Il est désormais courant d’entendre que les jeunes mères se plaignent de recevoir vos conseils d’aînés ; qu’il faudrait ne plus leur donner votre avis. Je ne parle pas des « mais il va avoir froid ce petit » – comme si nous, maman, voulions à tout prix qu’il attrape froid. Plutôt : « tu l’allaites à la demande ? De mon temps, c’était toutes les trois heures… ».
Nous serions — car je m’inclus dedans — une génération qui ne voudrait rien entendre. Mais il y a erreur dans le diagnostic, nous l’allons prouver tout à l’heure, comme dirait Jean.
Une des nombreuses sages-femmes que j’ai croisées au cours de ma grossesse m’a dit : « vous, il vous faut une sage-femme de plus de 50 ans », cela parce que lors de mon premier accouchement, j’ai accouché dans une position physiologique dans une clinique où ça n’est pas courant. Autrement dit : je ne m’en laisse pas conter.
Or il n’est pas question là de ne pas écouter de conseils ; c’est d’ailleurs tout le contraire. Je me suis documentée, j’ai écouté des témoignages (Bliss Stories était mon podcast de chevet bien sûr), lu tout le de Gasquet, scrollé tous les articles sur l’appli May, demandé à toutes mes copines leur récit d’accouchement. Et à l’heure dite, je me suis écoutée, forte de tout cet apprentissage. Quand il a fallu prendre des décisions (un accouchement est une séquence de décisions : péridurale ? déambulatoire ? ocytocine ? sifflet ? Se mettre sur le côté ?, etc. que les sage-femmes nous aident à prendre), j’étais au clair. Et je les ai assumées. Je trouve que c’est plus une question d’âge que de génération – d’ailleurs, notre génération fait des enfants plus tard. J’ai testé des choses qu’on me proposait, choisi de poursuivre ou de changer. Et pour mon deuxième enfant, j’ai accouché en position gynécologique (sur le dos, pieds sur les étriers) : c’était la meilleure option.
On écoute donc – en tout cas j’écoute. On accouche et les prises de décision continuent : allaitement au sein ? Tétée d’accueil ? Est-ce que je réveille bébé pour manger ? Est-ce que je lui donne l’autre sein ? Combien de temps je le garde sur moi ? Il n’a pas vraiment tété, est-ce que ce serait le moment d’aller voir les puéricultrices ?
Et là… c’est le début des problèmes. Mon obstétricienne a très bien résumé cela en me disant : « je ne vous dis pas quoi faire parce que si chacun y va de son conseil, vous n’allez plus savoir quoi faire. L’essentiel pour l’allaitement, c’est d’être détendue ».
Sauf que vous voyez une équipe de trois personnes qui change toute les douze heures et à qui vous devez réexpliquer à chaque fois où vous en êtes avec l’allaitement de bébé, qui, pour certains, ne sont pas spécialistes en lactation, qui vous donne des conseils contradictoires et qui vous met la pression. En ce qui me concerne, on m’a fait un chantage à la sortie : si bébé n’a pas repris son poids, on vous garde une journée de plus. Rien de grave en soi, sauf quand on risque de rater la rentrée de son premier enfant. Rien de très relaxant…
Et les contradictions continuent au retour de la maternité. Voici un florilège :
- On recommande l’allaitement maternel exclusif pendant 6 mois. Après l’accouchement, la mère a 10 semaines de congé maternité VS la mise en place de l’allaitement dure environ 3 mois.
 - Le post-partum dure 6 semaines VS après l’accouchement, le père peut prendre jusqu’à 25 jours de congé paternité. 21 jours sont facultatifs. Ce qui veut dire qu’au mieux (pour la maman), le père reprend au bout de quatre semaines ce qui ne lui laisse pas le temps de récupérer physiquement de l’accouchement.
 - La fatigue, voire l’épuisement maternel est l’une des quatre premières causes d’arrêt précoce de l’allaitement maternel VS « arrêter l’allaitement ne changera rien à votre état physiologique [de fatigue]. Il suffit d’adopter quelques petits gestes au quotidien pour vous faciliter la vie. » « L’allaitement provoque chez la mère un état de détente, de douce somnolence, qu’on peut confondre avec de la fatigue ».
 - Offrez-lui l’autre sein s’il a encore faim VS surtout, ne lui faites téter qu’un sein à chaque tétée. Jamais plus de vingt minutes sur le même sein.
 - Un bébé ne prend jamais plus de lait que nécessaire VS s’il régurgite, c’est parce qu’il a trop bu, il élimine le surplus.
 - Le portage, le portage, le portage VS le portage, c’est pas avant six semaines.
 
Vous en avez d’autres ?
Si vous êtes ainé donc, rassurez-vous, ça n’est pas qu’on ne veut rien entendre, c’est que devant toutes ses contradictions et pour ne pas finir folles, on s’est déjà fait notre opinion quand vous arrivez, et que ça n’a pas été une mince affaire.
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